Christophe Breuillet, directeur de Vitagora
« Nous cherchons des profils engagés pour bâtir l’alimentation de demain. »
À la tête du pôle de compétitivité Vitagora depuis sa création en 2005, Christophe Breuillet revient, dans cet entretien sur son parcours, l’évolution des profils recherchés au sein de son équipe, les leçons tirées de la crise sanitaire, et ce qui fait, selon lui, la vraie valeur d’un collaborateur dans un écosystème dédié à l’innovation alimentaire.
Pouvez-vous commencer par nous présenter Vitagora et ses spécificités ?
Vitagora est un pôle de compétitivité un peu atypique. Nous sommes à la fois un pôle labellisé, et une ARIA, c’est-à-dire une association régionale des industries agroalimentaires – deux fonctions que nous avons réunies sous une même bannière. Nous représentons donc l’ensemble de la filière agroalimentaire régionale, un cas unique en France. Cela nous donne une vision un peu différente de celle d’autres pôles.
Nous comptons aujourd’hui plus de 680 membres : des acteurs de la recherche publique comme l’INRAE, l’Inserm, ou des universités et grandes écoles comme AgroParisTech ou l’Institut Agro Dijon. Notre territoire couvre la Bourgogne-Franche-Comté et l’Île-de-France, bien que nos financements publics ne viennent aujourd’hui que de la Bourgogne-Franche-Comté.
Nos missions sont centrées sur le développement de l’alimentation durable au service du bien-être des consommateurs. Nous avons trois piliers stratégiques : la compréhension des préférences alimentaires, la préservation du capital santé via la valorisation du vivant (par exemple les micro-organismes), et la réduction de l’empreinte environnementale des productions agroalimentaires. Concrètement, nous menons des actions en innovation, accompagnement d’entreprises industrielles et de startups, et intégrons activement les consommateurs dans nos démarches via notre Living Lab.
Et vous, quel a été votre parcours avant d’intégrer Vitagora ?
Je suis ingénieur en agroalimentaire diplômé de l’Ensbana à Dijon (aujourd’hui l’Institut Agro Dijon). Mon parcours a commencé chez Carrefour, où j’ai été responsable qualité pour les produits frais et surgelés sous marques de distributeur. Ensuite, j’ai rejoint une PME fournisseur de Carrefour pour relever le défi de développer un nouveau site de production.
Après quelques années en industrie, j’ai répondu à l’appel d’un projet tout neuf : créer Vitagora. J’ai été le tout premier salarié, en 2005. À l’origine, j’étais censé rester 18 mois pour monter le pôle. Et finalement… cela fait 19 ans que j’y suis. Ce qui m’a toujours motivé, c’est le goût du défi, et c’est ce qui m’a fait rester.
Vous avez donc constitué toute l’équipe de Vitagora. Quels sont les profils que vous y avez rassemblés ?
Notre équipe est multidisciplinaire, à l’image de notre mission. On retrouve bien sûr des profils d’ingénieurs agroalimentaires pour piloter les projets d’innovation, comprendre les enjeux des industriels et dialoguer avec les chercheurs.
Nous avons aussi des profils plus créatifs, comme des food designers. Ce sont des personnes qui viennent d’écoles de design, souvent avec des spécialisations en alimentation. Leur rôle est de faire le lien avec les consommateurs, faciliter la co-construction et développer de nouveaux concepts.
Nous comptons également des professionnels venus du monde de l’entreprise, parfois sans diplôme d’ingénieur mais avec une solide expérience terrain, capables d’accompagner des entreprises sur des sujets comme le financement ou la stratégie.
L’équipe communication est elle aussi essentielle, avec des profils classiques en événementiel ou communication digitale. Enfin, comme toute structure, nous avons des fonctions support – comptabilité, gestion – indispensables au bon fonctionnement quotidien.
Quels types de profils recherchez-vous ? Quels sont les critères qui comptent le plus à vos yeux ?
Pendant longtemps, j’ai beaucoup misé sur des profils juniors, fraîchement diplômés, comme moi à mes débuts. Je croyais – et je crois toujours – à la valeur de la première chance, à condition qu’il y ait de l’envie, de la curiosité, et une vraie capacité à s’engager.
Mais on a aussi traversé une période difficile autour de 2021-2022 lors de la crise du Covid. Des recrutements jeunes n’ont pas fonctionné : nous nous sommes rendu compte que le référentiel avait changé, qu’on ne partageait plus toujours les mêmes valeurs autour du travail, de l’engagement et de l’esprit d’équipe, où l’entraide reste primordiale. Cela a été un moment de remise en question.
Depuis, nous recrutons plus de profils expérimentés, qui ont du recul, une connaissance métier solide et surtout une culture de l’engagement. Mais récemment, nous avons recommencé à nous ouvrir à des profils juniors. On ne ferme pas la porte, au contraire, mais on est plus attentif à l’alignement des valeurs.
Ce que nous cherchons avant tout, ce sont des personnes investies, qui aiment construire, se rendre utiles, travailler pour les autres. Nous sommes une structure de services, fondée sur les valeurs du collectif, donc si on ne vient pas avec l’envie d’apporter de la valeur aux autres, ça ne fonctionne pas.
Et en termes de stages ou d’alternance, êtes-vous ouverts à ces formats ?
Les stages, oui, clairement. Nous en accueillons régulièrement, et c’est souvent une très bonne porte d’entrée. Certains stages ont même débouché sur des contrats par la suite. En revanche, l’alternance est plus difficile à intégrer dans notre organisation. Le rythme école/entreprise ne correspond pas toujours à nos besoins, notamment sur les postes à forte réactivité. Cela reste donc marginal chez nous.
Enfin, si vous deviez citer une ou deux de vos plus belles réussites à la tête de Vitagora, que choisiriez-vous ?
Il y a deux projets que je citerais sans hésitation. Le premier, c’est l’un des tout premiers : le développement d’un pain enrichi à destination des personnes âgées, pour lutter contre la dénutrition et la fonte musculaire. C’est un projet de plus de 3 millions d’euros, co-construit avec des partenaires très différents : une coopérative céréalière, un industriel du pain, et un distributeur. Ce pain – baptisé “G-Nutrition” – est toujours sur le marché aujourd’hui, remboursé par la Sécurité sociale. C’est une vraie fierté.
Le deuxième, c’est le développement de notre Living Lab. Faire participer les consommateurs à la conception des produits, leur redonner un pouvoir d’agir sur l’offre alimentaire, c’est à la fois audacieux et nécessaire. Cela fait partie de notre vision d’une alimentation durable, construite avec et pour les citoyens.
Et l’avenir ? Encore des défis à relever ?
Toujours ! L’un des plus grands aujourd’hui, c’est de faire savoir tout ce que nous faisons. Beaucoup d’entreprises ont une image dépassée des pôles de compétitivité. Nous, on s’est transformés, on fait de l’innovation agile, du terrain, de l’accompagnement quotidien. On doit continuer à « évangéliser », à aller vers les entreprises, leur montrer tout ce qu’on peut faire pour elles. C’est un défi permanent !
Crédit : Vitagora
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