À Nyons, une formation pour faire renaître le métier de paysan-herboriste
Cueillir à la main, transformer avec soin, transmettre sans prescrire : à Nyons, le CFPPA accueille la première formation certifiante de paysan-herboriste, un métier longtemps oublié mais aujourd’hui reconnu par l’État. Derrière cette reconnaissance, une volonté forte : structurer une filière ancrée dans l’écologie, le local et la transmission. Rencontre avec une formation qui cultive bien plus que des plantes.
Cueillir la menthe au petit matin, transformer la verveine en tisane pour infusion, distiller le romarin, informer un client sur un marché sur les propriétés des plantes médicinales… Voici un métier ancestral qui retrouve actuellement une pleine légitimité professionnelle. En 2023, la Fédération des Paysans Herboristes (FPH) a franchi un cap en obtenant l’inscription du titre de « paysan-herboriste » au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Objectif : reconnaître un métier hybride, profondément enraciné dans les savoirs populaires, mais jusqu’alors en marge des cadres de formation officiels.
La première session de ce parcours de formation ouvre dès la rentrée de septembre au CFPPA de Nyons. Juliette Walek, formatrice au sein de l’établissement, en coordonne le contenu. « Il ne s’agit pas simplement d’enseigner l’herboristerie, mais de former des professionnels capables de cultiver, transformer, vendre en direct… et surtout transmettre un savoir sur les plantes, en restant dans un cadre légal strict, explique-t-elle. D’où l’importance du terme de « paysan-herboriste » dans l’intitulé de la formation. »
Une formation ancrée dans le réel
Le titre de paysan-herboriste est un parcours exigeant. Cette certification professionnelle (à ne pas confondre avec un diplôme !), d’une durée d’un an, mêle 29 semaines de cours théoriques et pratiques à 18 semaines de stage. L’objectif est clair : suivre une plante sur toute une saison, du semis à la vente directe, en passant par la récolte, le séchage, ou encore la distillation. À Nyons, les infrastructures sont à la hauteur : terrain de culture en agroécologie, séchoir, unité de distillation, laboratoire galénique… Tout est pensé pour permettre aux stagiaires de passer de la théorie à la pratique dans un même espace.
Au fil de l’année, les stagiaires abordent cinq grands volets : la cueillette raisonnée et la botanique, la culture bio sur petites surfaces, la transformation des plantes (tisanes, sirops, teintures, huiles essentielles…), la commercialisation en circuits courts, et enfin le pilotage de l’activité. Cette dernière partie est cruciale : elle permet d’aborder les réalités économiques du métier, loin de l’image romantique que peuvent s’en faire certains.
« Lors de leur stage, nos apprenants pourront observer les saisons, les aléas, la charge de travail réelle, mais aussi les choix économiques, techniques, humains que pose ce type de production » précise Juliette Walek.
Un métier à part entière, mais sans capacité agricole automatique
Le titre de paysan-herboriste est reconnu, mais il ne donne pas la capacité agricole. Une précision importante, notamment pour les personnes souhaitant s’installer en tant qu’agriculteur. Pour obtenir cette capacité et accéder aux aides à l’installation, il est nécessaire de passer en parallèle un diplôme agricole type BPREA. Bonne nouvelle : le CFPPA de Nyons permet aux stagiaires d’être inscrits en candidat libre pour passer ce diplôme durant l’année de formation.
A noter que ce choix d’un titre porté par la Fédération des Paysans Herboristes elle-même – et non par le ministère de l’Agriculture – traduit une volonté militante. « Il fallait répondre à un besoin très concret de terrain, et structurer une profession qui, bien que très ancienne, était restée dans l’ombre, notamment face au monopole de l’industrie pharmaceutique. Aujourd’hui, la demande du public pour des produits à base de plantes locaux, naturels et tracés est de plus en plus importante. Il fallait une réponse sérieuse, exigeante et ancrée dans une logique paysanne », résume Juliette Walek.
Des candidats bien informés
Le profil type des candidats ? Des agriculteurs en recherche de diversification ou des adultes en reconversion, souvent issus des métiers du soin, de la culture ou de l’environnement, qui ont déjà eu un contact avec le monde agricole : wwoofing, stage, bénévolat ou immersion dans des fermes. Le CFPPA demande d’ailleurs trois mois d’expérience agricole minimum pour candidater, ainsi qu’un projet mûrement réfléchi.
Car le métier est tout sauf un loisir. Il est physique, soumis aux contraintes économiques de toute activité agricole, et demande une capacité à endosser plusieurs casquettes : producteur, transformateur, gestionnaire, mais aussi « informateur réglementé » auprès des clients. Impossible, par exemple, de se revendiquer « conseiller en phytothérapie » sans tomber sous le coup de l’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie. Tout l’enjeu est donc d’apprendre à transmettre un savoir de façon claire, rigoureuse, et encadrée par le droit.
« Nous avons parfois des candidats qui fantasment un peu la réalité du métier. C’est pourquoi nous passons du temps à vérifier la solidité de leur projet. C’est aussi pour cela que le stage fil rouge, en immersion, est si important : il permet de voir si ça colle, humainement, physiquement, professionnellement », explique Isabelle Grégoire, également formatrice au CFPPA.
Un métier qui renaît… et une filière qui se structure
Le renouveau du métier de paysan-herboriste ne s’est pas fait en un jour. Il s’inscrit dans une dynamique lancée depuis plusieurs années, notamment sous l’impulsion de la mission parlementaire de 2019 sur l’herboristerie, pilotée par le sénateur Joël Labbé (lire l’encadré). À cette époque, les acteurs de la filière – producteurs, syndicats, chercheurs, formateurs – s’étaient réunis pour faire émerger une voie de reconnaissance professionnelle. Le titre RNCP est l’un des fruits concrets de ce travail collectif.
Aujourd’hui, la FPH et les CFPPA partenaires poursuivent leur engagement. Fin 2025, un séminaire national sur l’herboristerie se tiendra à Nyons. Il réunira tous les acteurs de la filière et sera l’occasion de présenter officiellement la première promotion de paysans-herboristes en formation. Une reconnaissance forte pour un métier qui concilie éthique, écologie, économie locale… et transmission de savoirs ancestraux.
Pour en savoir plus :
- CFPPA de Nyons : www.cfppa-nyons.educagri.fr
- Fédération des Paysans Herboristes : www.paysans-herboristes.org
Zoom : Vers une reconnaissance des métiers de l’herboristerie
En septembre 2018, une mission d’information du Sénat menée par le sénateur Joël Labbé a jeté les bases d’une reconnaissance officielle des métiers liés aux plantes médicinales. Fruit de plusieurs mois d’auditions, son rapport souligne le potentiel économique, écologique et territorial de la filière herboristerie, à la croisée du soin naturel et du développement local.
Parmi les 39 propositions formulées, on retrouve l’idée d’un label “Plantes de France”, le soutien à des formations agricoles spécialisées, ou encore la valorisation des savoirs traditionnels à travers une possible inscription à l’UNESCO. Le rapport propose aussi d’adapter le cadre réglementaire aux pratiques artisanales de vente directe, et appelle à poursuivre la concertation sur la reconnaissance des métiers autour de l’herboristerie française, dont celui de paysan-herboriste.
Ce texte fondateur a permis d’impulser des dynamiques concrètes sur le terrain — à l’image du titre aujourd’hui porté par la Fédération des Paysans Herboristes.
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