« Je suis senior, et alors ? » : changer le regard sur l’emploi des plus de 50 ans 

Dans le cadre de la Semaine nationale de l’emploi agroalimentaire, l’Apec, l’Apecita et France Travail ont organisé, le 4 novembre dernier à Castelnaudary, une table ronde au titre volontairement provocateur : « Je suis senior, et alors ? ». L’événement, convivial et participatif, a rassemblé une vingtaine de cadres expérimentés en recherche d’emploi et plusieurs entreprises du territoire. Objectif : briser les idées reçues et ouvrir le débat sur la place des seniors dans le monde du travail. 

Dès l’ouverture, le ton a été donné. Après un quiz pour détendre l’atmosphère, les chiffres ont rappelé l’ampleur du sujet : en France, le taux d’emploi des seniors atteint 62 %, un niveau inférieur à la moyenne européenne. Sur le bassin d’emploi de Castelnaudary, les demandeurs d’emploi de plus de 50 ans représentent 6,6 %, contre 4,4 % à l’échelle régionale. « Nous avons encore des efforts à faire, reconnaît Arnaud Pestourie-Locci, de l’Apec. La France conserve une culture du départ anticipé, historiquement pensée pour laisser la place aux jeunes. »  

Briser les stéréotypes 

Mais le contexte évolue : à l’horizon 2030, un Français sur trois aura plus de 60 ans. L’emploi des seniors devient un enjeu central pour les entreprises et pour la société tout entière. Pourtant, les freins demeurent nombreux : les stéréotypes persistent, les préjugés sur le manque de dynamisme ou la supposée difficulté à s’adapter aux nouvelles technologies ont la vie dure.  

Face à ces constats, les témoignages des participants ont apporté un tout autre éclairage. Les seniors ont fait valoir leur stabilité, leur polyvalence et surtout leur adaptabilité, acquises au fil de carrières jalonnées de transformations. « Les seniors sont capables d’évoluer, de se remettre en question, et souvent, ils ont moins de contraintes familiales. Ce sont des atouts qu’il faut revendiquer », a souligné un participant. 

Dans les échanges, plusieurs pistes concrètes ont émergé. Adapter les postes, notamment sur le plan ergonomique, ou repenser l’aménagement du temps de travail pour les fonctions à responsabilité, figurent parmi les solutions les plus partagées. Mais le travail commence bien avant l’embauche : il s’agit aussi de mieux valoriser son parcours et ses compétences. À ce titre, les services d’accompagnement de l’Apec et de l’Apecita jouent un rôle clé, encore trop méconnu. « Trop peu de candidats font appel à nous pour les aider à non seulement comprendre le marché de l’emploi mais aussi à bien adapter leur CV et lettre de motivation à l’offre d’emploi », remarque Thierry Combet, délégué régional de l’Apecita à Toulouse. 

Parmi les autres leviers identifiés, le bilan de compétences est revenu comme un outil clé. Virginie Saubert, conseillère RH à l’Apecita de Montpellier, a rappelé combien cette démarche pouvait être un tournant : « Le bilan permet de prendre du recul sur son parcours, de mieux se connaître, d’identifier ses compétences transférables et parfois d’envisager une reconversion. C’est aussi une façon de redonner du sens à son projet professionnel. » Finançable notamment via le CPF, il ouvre la porte à de nouvelles perspectives et aide les candidats à repérer des métiers auxquels ils n’auraient pas pensé.  

Un besoin de soutien public 

Tous les participants se sont accordés sur un point : il n’y a pas de fatalité à la difficulté d’emploi des seniors. Les solutions existent, mais elles nécessitent un changement de regard collectif et une mobilisation à tous les niveaux. Et si beaucoup d’initiatives locales émergent comme le dispositif de parrainage Parrain’Oc, les attentes se tournent désormais vers les pouvoirs publics. Plusieurs voix ont plaidé pour une action nationale forte : pourquoi ne pas imaginer, pour les seniors, des dispositifs de soutien comparables à ceux mis en place pour l’alternance au cours des dernières années ? 

Cette table ronde a montré que la question n’est plus de savoir s’il faut recruter des seniors, mais comment créer les conditions pour le faire durablement.