Une France 100 % bio : une piste crédible ?

L’idée d’une agriculture française entièrement biologique est souvent jugée irréaliste, en raison de rendements moindres et d’une supposée dépendance accrue aux importations. Mais l’article publié dans The Conversation par Michel Duru, directeur de recherche honoraire à l’Inrae, remet cette vision en perspective : selon plusieurs scénarios scientifiques, une généralisation du bio serait possible si la France acceptait de réduire significativement sa consommation de viande. 

Aujourd’hui, notre système alimentaire pèse lourdement sur la santé publique et sur les écosystèmes. L’usage massif d’engrais azotés et de pesticides de synthèse, la surconsommation de produits animaux et ultra-transformés, ou encore l’intensification de certains élevages génèrent des « coûts cachés » estimés à près de 170 milliards d’euros, soit l’équivalent du prix annuel des denrées alimentaires en France. 

Le bio offre une alternative crédible : pas d’intrants de synthèse, plus de contraintes sur l’élevage et sur les additifs alimentaires, des produits moins contaminés par les résidus de pesticides, et une réduction du risque de maladies chroniques, comme certains cancers. 

Des rendements plus faibles, mais compensables 

Il est vrai que les rendements bio sont en moyenne 25 % inférieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle, et parfois davantage pour les céréales ou les pommes de terre. Mais ce déficit pourrait être compensé en libérant des terres utilisées pour l’élevage, grâce à une baisse de la consommation de viande et de produits laitiers. 

Les chercheurs estiment qu’une réduction de 50 % de la consommation de produits carnés permettrait de dégager environ 4 millions d’hectares pour développer des cultures végétales bio, comme les légumineuses, essentielles à une alimentation équilibrée et moins dépendante des importations. Historiquement, rappelons que les Français consommaient deux fois moins de viande il y a un siècle. 

Vers un modèle agroécologique renforcé 

Tous les élevages ne seraient pas concernés de la même manière. Les systèmes fondés sur le pâturage, avec un lien au sol, sont compatibles avec le bio et apportent des bénéfices nutritionnels et environnementaux. À l’inverse, les élevages intensifs de porcs et de volailles, très dépendants des importations de soja, apparaissent comme les principaux candidats à la réduction. 

La généralisation du bio s’inscrirait aussi dans une dynamique agroécologique plus large, avec la diversification des cultures, la restauration de la fertilité des sols et la valorisation des légumineuses. Certains chercheurs évoquent même le développement d’une « agriculture biorégénératrice » capable de réduire l’écart de productivité avec le conventionnel. 

La question n’est pas donc tant de savoir si la France peut produire 100 % bio, mais si la société est prête à transformer ses habitudes alimentaires et son modèle agricole. Moins de viande, moins de gaspillage, plus de fruits, légumes et légumineuses : une transition qui serait bénéfique à la fois pour notre santé et pour l’environnement. 

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