La QVCT, un véritable levier de performance pour les entreprises agricoles

Publié le 2 juillet 2025
Temps de lecture estimé : 6 min

Dans un secteur agricole en pleine mutation, confronté à des difficultés de recrutement, à la pénibilité du travail et à des enjeux de durabilité, la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT) apparaît de plus en plus comme un levier stratégique. Christèle Wagner, chargée de mission à l’Aract Hauts-de-France, partage son expertise sur le sujet.

Pourquoi déployer une démarche QVCT dans les entreprises agricoles ?

Le secteur agricole cumule plusieurs défis : pénibilité physique, saisonnalité, difficultés de recrutement… Déployer une démarche QVCT permet d’agir concrètement sur ces leviers. En travaillant sur l’organisation du travail, la reconnaissance, ou encore la participation des salariés, les entreprises peuvent améliorer à la fois le bien-être des équipes et leur performance globale. C’est une démarche gagnant-gagnant.

La QVCT peut-elle vraiment jouer un rôle dans l’attractivité du secteur ?

Absolument. Dans un contexte de tension sur l’emploi, proposer un environnement de travail sain et respectueux est devenu un critère différenciant. Les jeunes générations – et pas seulement elles – recherchent du sens, de l’autonomie, et un cadre de travail où elles peuvent s’exprimer. La QVCT permet de créer cette dynamique. Cela limite aussi le turnover et renforce la fidélisation.

Par où commencer lorsqu’on ne sait pas comment s’y prendre ?

Il ne s’agit pas de rédiger un plan sur un coin de table. C’est une vraie démarche de projet, qu’il faut construire à plusieurs. L’idée est d’abord de réunir un petit groupe de travail pour piloter le projet. Ce n’est pas forcément quelque chose de lourd : cela peut être un binôme ou un trinôme. Le dirigeant avec un ou deux salariés. Selon la structure, on peut aussi associer un membre du CSE, un référent prévention, ou des personnes représentatives des différents services.

Ensuite, il faut poser des questions avec les équipes : qu’est-ce qui fonctionne ? Qu’est-ce qui va bien dans l’entreprise ? Et qu’est-ce qu’on pourrait améliorer ? Il y a plusieurs manières de faire : des questionnaires pour sonder tout le monde si la structure est grande, ou des petits groupes de discussion si l’on est dans une structure plus resserrée. Parfois, c’est une problématique très concrète qui déclenche la démarche : un équipement à remplacer, un atelier à réorganiser, une restructuration en cours. L’essentiel est de bien poser les priorités, en écoutant les points de vue, parfois divergents, des uns et des autres. À l’Anact, nous proposons sur notre site anact.fr de nombreuses ressources : guides, vidéos, autodiagnostic… Nous pouvons également accompagner directement cette phase en apportant méthode, outils, et regards extérieurs.

Une fois le constat posé, on change tout d’un coup ?

On ne cherche pas à tout bouleverser, mais à ajuster le quotidien pour le rendre plus fluide et plus humain. On commence donc petit, par une expérimentation. Et on se met bien d’accord dès le départ : ce n’est pas figé. On va tester, ajuster, revenir dessus si besoin. Et surtout, on associe les salariés à cette phase. Si l’on remplace une machine, par exemple, ce sont les personnes qui l’utiliseront qui doivent pouvoir donner leur avis. Un exemple marquant ? Dans une crèche, la directrice pensait bien faire en achetant une nouvelle machine à laver. Sauf que la température n’était pas conforme aux normes, et la salariée n’a plus pu effectuer son travail correctement. Résultat : frustration, démotivation… alors qu’un simple échange en amont aurait permis d’éviter cela.

Une fois qu’on a mené une action, on arrête là ?

Au contraire. C’est souvent l’effet boule de neige. Les employeurs qui s’y mettent disent toujours : » je ne reviendrai pas en arrière. » Une fois qu’une action a été testée, ajustée, réussie, on passe à une autre. On améliore un outil, un espace, un mode de communication, un process. On avance étape par étape. Et on construit, petit à petit, une organisation plus fluide, plus efficace et où chacun trouve mieux sa place.

Et sur le plan économique, est-ce vraiment rentable ?

Oui. Il ne faut pas sous-estimer les “coûts cachés” liés à de mauvaises conditions de travail : absentéisme, erreurs, retards, turnover, mécontentement des clients… Une étude récente montre qu’un simple dispositif d’espaces de discussion sur le travail peut rapporter quatre fois plus que son coût. En réalité, la prévention aurait un retour sur investissement moyen de 1 à 10. Autrement dit, pour 1 € investi, 10 € peuvent être économisés à long terme. La QVCT, c’est un investissement dans la durabilité de l’entreprise. Et ce qui est bon pour les salariés l’est souvent aussi pour le chef d’entreprise.

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets d’accompagnement que vous avez réalisé dans le secteur agricole ?

Bien sûr. L’an passé, j’ai accompagné plusieurs maraichers bio du Douaisis. Par exemple, l’un d’eux pensait devoir agrandir son hangar qui manquait cruellement de praticité. En réorganisant son espace de travail, il a réalisé qu’il n’en avait pas besoin. Une autre exploitation qui faisait face à des difficultés de commercialisation en vente directe mais il n’indiquait même pas ses horaires de vente à la ferme : un simple panneau a changé la donne.

Voyez-vous une évolution de la prise en compte de la QVCT dans le secteur agricole ?

Oui, lentement mais sûrement. Les jeunes installés, les collectifs en circuits courts ou les exploitations diversifiées bousculent les habitudes. Ils veulent concilier performance et équilibre de vie, remettre du dialogue dans les fermes, alléger les astreintes… La QVCT devient un outil stratégique pour y parvenir.

Un dernier mot pour les entreprises agricoles encore hésitantes ?

N’attendez pas d’être en crise pour vous y mettre. La QVCT n’est pas réservée aux grandes entreprises. Elle peut démarrer modestement, avec des actions simples. Ce qui compte, c’est d’impliquer les équipes, d’oser questionner les pratiques, et de se faire accompagner si besoin. Car au bout du chemin, ce sont des conditions de travail améliorées, une performance consolidée, et une entreprise plus résiliente.

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