Les productions animales : un secteur et des métiers en constante évolution
Production, conseil, génétique, R & D… Les filières d’élevage offrent une importante panoplie de métiers, accessibles du Bac pro au diplôme d’ingénieurs. Mais dans un contexte de transition agroécologique et d’évolution des attentes de consommateurs, ce secteur ne cesse d’évoluer, tout comme les métiers qui y sont rattachés. Philippe Béaur, Anne-Laure Boucly-Perrot et Christelle Vaillant, experts en productions animales à l’Apecita, nous apportent leur éclairage sur cette tendance.
Quels sont les principaux débouchés qu’offrent les filières de l’élevage ?
Les offres d’emploi sont conditionnées aux grands bassins de production régionaux (par exemple, la production porcine en Bretagne, la production allaitante dans le Centre…). Il n’est pas évident de distinguer une filière plus porteuse qu’une autre au sein des productions animales. Comme dans l’ensemble du monde agricole, nous trouvons des métiers de la production (vacher, responsable d’élevage par exemple) à la transformation (abattoirs, laiteries, industries agroalimentaires) en passant par l’agrofourniture (commerce d’aliments ou d’équipements d’élevage) et les métiers du conseil stratégique (technique ou économique). Enfin, le secteur recherche et développement (R & D) n’est pas en reste, notamment sur l’adaptation des systèmes d’alimentation (plus d’autonomie), la génétique, le bienêtre animal…
Quels niveaux de diplômes sont demandés par les employeurs des filières élevage ?
Les métiers de la filière sont généralement accessibles aux formations du niveau Bac pro au diplôme d’ingénieur en passant par les différents BTSA et les licences professionnelles. Pour les postes directement liés à la production, le diplôme le plus recherché était le Bac pro (salarié d’exploitation agricole), mais le BTS est de plus en plus souhaité par les employeurs (reprise d’exploitation, association ou responsabilité d’élevage). En revanche, le niveau CAP n’est pratiquement plus demandé par les éleveurs. Ce que l’on peut dire, c’est que l’exigence des employeurs en matière de niveau a évolué. Le glissement a suivi l’évolution des formations (plus de diplômés) et fait écho à la complexité de l’environnement technique et socio-économique des élevages (approche globale, PAC, Maec, réglementation…). Évidemment, le BTSA productions animales (PA) reste un diplôme reconnu offrant de très grandes opportunités dans ces domaines, mais aussi dans le conseil et le commerce. La forte offre de formation en licences pro et leurs continuités possibles en master pro, ainsi que les spécialisations qu’elles proposent (génétique, commerce, alimentation, transformation…), fait qu’elles sont vraiment devenues une concurrence pour les Bac + 2 sur le marché de l’emploi. C’est également le cas pour les écoles d’ingénieurs, qui s’adaptent aux nouveaux besoins du marché de l’emploi avec une offre de formation de plus en plus variée. Pour les postes de la recherche ou de l’encadrement, les ingénieurs sont préférés. C’est d’autant plus vrai s’ils sont dotés d’une spécialisation en PA, mais ces derniers ne sont pas majoritaires dans les cursus. Enfin, n’oublions pas de citer les certificats de spécialisation (CS), qui sont en général un très bon complément de formation et permettent un approfondissement important des connaissances dans un domaine ciblé, voire très ciblé (par exemple, conduite d’un élevage
caprin, estimateur de bovins, transformation des produits fermiers, élevage d’escargots…). Notons également que des formations généralistes peuvent conduire à des métiers en lien avec l’élevage. Les technologies changent et les filières du vivant évoluent constamment, ainsi les formations en lien avec les sciences biologiques et biotechnologiques peuvent déboucher sur des métiers de la recherche et développement (microbiologie, génétique, alimentation des animaux, santé). Ces derniers représentent 10 % des offres d’emploi proposées par l’Apecita.
De nouveaux métiers sont-ils en train de voir le jour ?
De nouveaux métiers/missions en lien, par exemple, avec le bien-être animal, la santé ou l’environnement (ostéopathe animal, pareur, comportementaliste, agroforesterie, agrivoltaïsme…) émergent. Mais les métiers historiques restent inchangés. Un technicien/ conseiller d’élevage est une personne qui doit amener son adhérent ou son client à réfléchir sur son approche et à définir une bonne stratégie pour optimiser ses résultats (technico-économiques ou organisationnels) même si la posture d’accompagnant stratégique tend à l’emporter sur la technicité. Ils sont devenus des facilitateurs, des intermédiaires entre l’évolution, qu’elle soit technologique, technique, réglementaire, environnementale, ou scientifique et la pratique des éleveurs.
En revanche, ce sont les outils qui changent (robotisation, digitalisation, utilisation des nouvelles technologies, intelligence artificielle…) et les modes de conduite des élevages qui évoluent. Les leviers d’optimisation ne sont plus simplement axés sur la production mais bien sur l’efficience globale des systèmes.
Comment voyez-vous l’évolution des métiers dans les filières d’élevage à moyen terme ?
L’adaptation de l’ensemble des métiers et des compétences va être conditionnée par le changement : celui des modes de production, des systèmes d’exploitation mais aussi du climat. La part croissante des chefs d’exploitation de plus de 50 ans se traduira, d’ici 2030, soit par une restructuration accrue du secteur ou une réduction des volumes de production, soit par une hausse des transmissions des exploitations. C’est particulièrement le cas pour les secteurs laitier et ovins allaitants (50 % des éleveurs bovins auront quitté l’activité dans les dix ans). Les installations, bien que stables, ne compensent pas totalement les départs en retraite. L’étude sur l’attractivité des métiers réalisée par le GIS Élevage propose trois scénarios contrastés d’évolution pour l’avenir des métiers d’élevage :
- « Produire moins mais mieux » (consommation locale, modèles de production alternatifs, structure de transformation de petite taille couvrant tout le territoire) ;
- « Libéraliser la production » (développement des grandes structures, exploitations pilotées par l’aval des filières, centralisation géographique des exploitations) ;
- « Anti-élevage » (arrêt de l’élevage, écopâturage, entretien des espaces). Les besoins en emplois et compétences seront ainsi différents des postes actuels. Par exemple, l’agrandissement des structures, qui pourraient être portées par des capitaux non agricoles, nécessiterait des compétences en stratégie technico-économique approfondies et une organisation basée sur l’augmentation du salariat agricole plus ou moins spécialisé. A contrario, les systèmes plus alternatifs basés sur des modèles de production plus locale auront besoin de compétences plus orientées vers des domaines tels que la logistique, le marketing, la communication, le lien direct avec le consommateur… Enfin, le dernier scenario (anti-élevage) verrait un glissement des métiers vers des approches plus liées à l’environnement. Il est fort peu probable qu’un scenario unique l’emporte sur les deux autres, mais que la réalité soit une combinaison de ces trois projections, offrant au final une large palette d’opportunités professionnelles.
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